Souvent, il s’agit d’un regard, parfois accompagné d’un geste, une petite tape dans le dos ou sur l’épaule. Le même que quand tu posais une question super compliquée quand t’étais petit. Le regard qui te fait comprendre que tu ferais mieux de la fermer, que ça le fait pas de confronter l’autre, plus grand peut-être, à son ignorance. On me l’a souvent lancé ce regard. Je pense pas que ce regard soit malveillant ni mal intentionné. La curiosité est un vilain défaut, ne l’oublions pas. Mais moi, c’est marrant, quand on me faisait ce genre de regard, quand on me disait ce genre de phrase, j’ai toujours eu envie d’aller voir, de me rendre compte par moi-même. L’esprit de contradiction. Non, ne fais pas ça ! Ah bon ?
Je te vois venir, tu te dis, avec ce nom, je veux te parler d’art? Oui ! Tu vas me dire que t’y connais rien, que chaque fois que tu en entends parler, les adjectifs dithyrambiques comme « exceptionnel », « unique » mais aussi au JT de 13h « nouveau record aux enchères » ou encore dernièrement « record d’affluence à la dernière exposition » te laissent carrément froids ? Tu as peut-être des clichés dans la tête, sur les artistes, les œuvres, etc. On n’y comprend rien, c’est moche, ou encore je suis capable (ou mon fils de cinq ans) de faire pareil ! J’ai l’impression qu’on se fiche de moi. Et puis, aller au musée, comme quand j’étais à l’école, non merci ! Peut-être. Peut-être que c’est vrai, que si on n’y connaît rien, on devrait rester avec ses impressions sans rien questionner. L’art, c’est vaste, ça a l’air compliqué et moi, les choses compliquées, je préfère éviter.
L’art peut sembler éloigné de tes préoccupations (surtout en ce moment !). Déjà parce qu’il n’est pas présent dans notre vie quotidienne, en tout cas pas ta vie. Il est claquemuré dans les musées, les salons ou les galeries. Tu passes devant des sculptures dans la rue ou sur une place sans les voir, parfois sans même savoir que c’est une œuvre d’art. Et puis, on n’en parle si peu ! A la télé, à la radio, dans le journal, etc. Pour tomber dessus, vaut mieux sur la chance ou le gros sujet médiatique (genre l’incendie de Notre-Dame, et encore, son histoire, son architecture, son rôle, je sais pas si on en a parlé…) ou en 2ème voire 3ème partie de soirée. Et sinon, ben c’est dans les rayons spécialisés des kiosques ou des librairies, et quelques émissions. Ce que je dis, c’est aussi valable pour la culture en général, hein. Dans ces conditions, la rencontre avec l’art est difficile. Pour ma part, elle a relevé du hasard, autant que de la chance.
Du coup, tu as peut-être ces espèces d’a-priori indéboulonnables qui font que tu passes à côté sans voir. Si c’est pas le cas, j’espère que tu comprends qu’on puisse les ressentir. J’ai envie de partager ma passion mais je comprends qu’on ne la partage pas. Je peux comprendre qu’on se sente mal à l’aise dans un musée ou même face à une œuvre. Parce que si c’est pas ton univers, ben tu as l’impression que ceux qui y sont dedans comprennent mieux les choses que toi, qu’ils ont les codes. Comme dans la franc-maçonnerie, y aurait des initiés et les autres. Et c’est là que le malaise s’installe. C’est comme aller dans un pays étranger ou dans un lieu où on n’a pas l’habitude d’aller : on a l’impression d’être sur une autre planète. Du coup, pas facile de se sentir à l’aise… Surtout si on se fait une idée énorme, du genre, le musée, c’est le temple de la connaissance ! C’est ce que Serge Saada nomme les barrières symboliques. Le musée, c’est un endroit qui peut-être se trouve en dehors de ta zone de confort. Regarder un tableau, une activité qui ne t’est pas familière.
Soyez le premier à commenter